Apollinaire Notre regard du poete, Collectif, Coedition Gallimard/Musees d’Orsay et de l’Orangerie, avril 2016, 320 pages

Apollinaire Notre regard du poete, Collectif, Coedition Gallimard/Musees d’Orsay et de l’Orangerie, avril 2016, 320 pages

« Ordonner un chaos, voila la creation »

A l’occasion de l’exposition « Apollinaire, le regard du poete » (du 6 avril https://datingmentor.org/fr/lavalife-review au 18 juillet 2016) a voir au musee de l’Orangerie, les editions Gallimard nous presentent une brochure raisonne en periode artistique, entre 1902 et 1918, ou Guillaume Apollinaire a pu mettre en forme et vivre son epoque sous le regard croise du poete et du critique.

Ami des artistes, Apollinaire s’est revele un acteur central de la revolution esthetique. Mais fallait-il presenter votre format d’exposition ordinaire ou imaginer, accompagner comme le fit Apollinaire en son temps, l’esprit d’un savoir reinvente ? Aurait-il ete possible de proposer une version « vivante » de son heritage, une version digitale, encyclopedique, au croisement d’une connaissance qui permettrait d’emerveiller, de decentrer notre regard de l’homme a son epoque, vers la liberte des mediations, meditations critiques et esthetiques de notre temps ?… Sous peine, comme le poete l’avait lui-meme suggere au premier ver de son poeme Zone et qui ouvre le recueil Alcools (editions Mercure de France, 1913) : « A J’ai fin tu es las de votre monde ancien » ; une exposition du passe ouvrant vers le moderne en quelque manii?re.

Pourtant, que de subtilite au propos et quelle audace de rendre hommage a votre auteur, a un artiste, votre homme des ideogrammes, une sentinelle du regard, 1 artilleur du feu des arts, Afin de l’integrer a la lignee des poetes, des critiques d’art et qui fut capable d’anticiper nos bouleversements esthetiques de des heures en accompagnant la naissance de l’art moderne ! Laurence des Cars, signe une tres belle contribution qui permet d’apporter votre eclairage plus nuance au cours d’entretiens radiophoniques d’Andre Breton avec Andre Parinaud en 1952, ou il decrivait la place d’Apollinaire dans l’histoire une poesie-critique. Pour Breton, Baudelaire et Apollinaire partagent une rare capacite d’ordonnancement visionnaire, au moyen d’instruments d’arpentage mental, « deux faiseurs d’ordre et d’aventure ».

Pourtant, si Afin de Apollinaire, Baudelaire fut un exemple de « liberte litteraire », Apollinaire voyait en l’ecrivain une pensee trop noire, trop antimoderne dans l’ame favorisant « le pessimisme qui depuis le 19 e siecle n’a cesse de hanter nos ecrivains ». A cet egard, il se considerait un anti-baudelairien. Mais pour autant, Apollinaire ne rejeta nullement bien, il reprit a son compte sa theorie selon laquelle :

« Notre beau reste forcement, inevitablement, d’une composition double, bien que l’impression qu’il bien soit votre […] le excellent est fait d’un facteur eternel, invariable, dont la quantite reste exclusivement difficile a determiner, et d’un relatif, circonstanciel, qui va etre, si l’on souhaite, tour a tour ou bien ensemble, l’epoque, la mode, la morale, la passion », Charles Baudelaire, in. Le peintre dans la vie moderne, 1863.

« C’est d’une souffrance et de bonte

Que est faite la beaute

Plus parfaite que n’etait celle

Qui venait des proportions », « Mes Collines », Calligrammes.

L’exposition donne un apercu de son univers intime, situe au 202 boulevard Saint-Germain, ses ?uvres d’art primitif, les tableaux de l’ensemble de ses amis, ses manuscrits personnels, des photographies montrent une accumulation de chefs-d’?uvre, serres les uns contre des autres. Concue en collaboration avec le Musee national Picasso, l’exposition met en scene par un dynamisme des couleurs, caracteristique du mouvement orphiste, l’univers esthetique d’Apollinaire a travers un parcours thematique, decouvrant l’homme et le epoque, la frequentation des milieux litteraires et artistiques qui l’amene a cotoyer Derain, Vlaminck, le Douanier Rousseau, Matisse, Picasso, Braque, Delaunay, Jean Guillaume et sa muse Sophie Laurencin… De nombreux peintres realisent d’ailleurs des portraits de l’auteur : l’?uvre de Picasso intitulee L’homme a la guitare qui lui avait ete offerte en guise de cadeau mariage, puis celle de Giorgio De Chirico en 1914, le Douanier Rousseau… Neanmoins, c’est sans nul doute sa relation avec Picasso qui marqua l’espace de l’expression visuelle et litteraire face a la peinture et les mots, une poesie envisagee tel le seul linceul, lieu d’une page blanche, rendant possible le dialogue entre nos deux arts. C’est de votre ambition que naissent les ideogrammes lyriques puis nos calligrammes, qu’Apollinaire souhaitait reunir dans un recueil qu’il aurait intitule : Et moi aussi je suis peintre ? Neanmoins,, tel l’ecrit Claude Debon, s’agit-il sans doute d’un clin d’?il a sa propre compagne perdue, Marie Laurencin, qui avait peint vers 1913 votre autoportrait : elle tient 1 livre a la main via lequel reste ecrit « j’suis poete ». A moins qu’il songe a J’ai realisation recente de Blaise Cendrars qui publie la Prose du transsiberien mise en couleur par Sonia Delaunay ?

En nous donnant a voir ses poemes, Apollinaire nous incite a J’ai contemplation, a Notre correspondance des arts, a toutes les perceptions. Un ?il qui ecoute, une pluie, qui tombe nulle part et qui vient du neant, que l’on entrevoit dans d’infinies gouttelettes, des lettres, remplacant chaque rencontre, chaque femme, via le souvenir brumeux d’une tempete, avec le souvenir d’une voix qui parle au travers du brouillard du desir, d’un tendre ete si pale, comme une liquidation d’la realite, ecoutant « tomber des liens qui te retiennent en bas et en bas ».

Comme l’ecrit Donatien Grau au livre, il ne s’agit jamais Afin de Apollinaire d’alterer la langue et les formes de Mallarme ou d’Alfred Jarry, mais d’y mettre de « l’ordre ».

Ainsi Apollinaire reprend l’identite de pallier poete, arme de sa muse, revenant a effacer nos evenements recents en poesie ainsi que renouveler par la beaute des images, c’est-a-dire via le motif metaphorique, de definir un « esprit nouveau qui s’annonce, pretend avant tout heriter des classiques un solide bon sens, votre esprit critique certain, des vues d’ensemble sur l’univers et dans l’ame humaine et le sens du devoir qui depouille les sentiments et en limite ou plutot en inclut des manifestations. Il pretend encore heriter des romantiques une curiosite qui le pousse a explorer tous les domaines propres a fournir une matiere litteraire qui permette d’exalter l’existence sous quelque forme qu’elle se presente. Explorer la verite, la chercher, aussi bien au domaine ethnique, pourquoi pas, que dans celui de l’imagination, voila les principaux caracteres de votre esprit nouveau ».